ÀNƆ̀NÚGBÈ

Il faut savoir gré à Séverin-Marie Kinhou d’avoir fait œuvre de prophète. En effet, publier en langue béninoise fongbè, c’est dire et faire aujourd’hui ce qui adviendra nécessairement demain, quitte à passer aux yeux de ses contemporains, voire aux yeux de certains de ses collègues professeurs-chercheurs, pour un illuminé, quelqu’un qui n’a pas les pieds sur terre.

Car pour beaucoup, être raisonnable, avoir les pieds sur terre, c’est parler de l’excellence des langues africaines maternelles, en parler en anglais, espagnol, français et portugais, c’est-à-dire en langues coloniales, et continuer à gagner son pain et à faire son beurre en ces langues que beaucoup de constitutions africaines reconnaissent comme langues officielles et qui n’ont conduit l’Afrique à aucun développement remarquable.

Séverin-Marie Kinhou a décidé d’exorciser la contradiction flagrante. Si les langues maternelles africaines sont si excellentes – et elles le sont –, il convient de les parler, de les enseigner et, surtout, de les écrire. Il convient de les confier à ce matériau inoxydable, l’écriture, que l’homme a inventé pour capter et retenir la parole volatile, pour faire voyager la pensée par-delà les siècles et les frontières, et pour que, par le système des vases communicants autorisé par la traduction, toutes les cultures, toutes les civilisations répondent présentes au rendez-vous du donner et du recevoir.

L’Afrique n’est pas faite pour rester analphabète à elle-même et ne se montrer experte que dans les langues coloniales, dominantes, et qui ne lui font pas dire « la succulence des fruits ». Par ses langues, porteuses de ses cultures et civilisations, par ses langues habillées du manteau impérial de l’écriture, l’Afrique participera au dialogue universel, prendra place à la table universelle des pensées du monde.

Tel est le message de Séverin-Marie Kinhou. En nous proposant trois textes en langue maternelle fongbè pratiquée au Bénin, il nous remet entre les mains un précieux instrument du progrès du Bénin et de l’Afrique. Ce faisant, il n’est plus seulement un « engagé linguistique », il devient une sentinelle du devenir de l’homme africain.

Nous lui en savons gré.

Roger Gbégnonvi  

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